Puisque les valeurs considérées comme sportives sont de plus en plus présentes dans le vocabulaire d’entreprise, à travers les idées de performance et d’esprit d’équipe, par l’envie de relever des défis et d’être mis en compétition, l’APEC s’est penché sur les pratiques sportives des cadres d’entreprise, afin d’en savoir plus sur le véritable entraînement de ces derniers. L’agence soulève d’ailleurs un paradoxe intéressant : ces références externes traduiraient une incapacité de la valeur travail à se suffire à elle-même et à entraîner les salariés dans la bonne dynamique, il faudrait chercher des valeurs externes. Alors, qu’apprend-t-on ?
La figure du cadre dynamique
Encore moqueur, la figure du « cadre dynamique » n’en demeure pas moins une image très présente à laquelle les salariés sont invités à se conformer. Il serait plutôt un homme, souvent dépeint comme jeune, souriant, compétent, dynamique et énergique au travail, souvent « force de proposition » et capable d’initiative, et il serait enfin en bonne santé, car serait un sportif régulier. Ce qui soulève plusieurs problèmes : d’abord, la santé est un facteur qu’on ne peut jamais totalement maîtriser, qui demande parfois d’énormes efforts (rythme imposé, sport intensif, régime alimentaire parfois drastique) et sur lequel le travail a un impact considérable (les personnes travaillant beaucoup devant un écran doivent ainsi se méfier d’éventuels problèmes de dos). Enfin, cela révèle que malgré la volonté d’afficher une sélection objectif et impartiale, les recruteurs fondent une partie de leur jugement sur les apparences et cherchent à respecter un certain conformisme. Les cadres se laissent-ils prendre à ce piège ? Le sujet est complexe : la majorité d’entre eux ont une image positive du sport et apprécient globalement que l’on fasse des références au sport dans le management. Mais dans les faits, c’est l’aspect loisir du sport qui est recherché, l’envie de se détendre et le désir de sociabilité qui les poussent à pratiquer le sport, bien plus que la performance et le dépassement de soi, qui semblent bien plus réservées à l’entreprise. Ce qui n’empêche pas nombre d’entre eux de présenter le sport dans leur CV et de s’en servir pour défendre leurs compétences, ce qui prouve que malgré une certaine lucidité sur leur situation, les cadres préfèrent s’adapter au discours ambiants et enjoliver parfois un peu la réalité.
La consommation régulière du sport
Ainsi, ils ne seraient finalement que 42% des cadres à pratiquer un sport de manière régulière, c’est-à-dire au moins une fois par semaine, et la grande majorité le fait dans une optique de loisir, hors de toute compétition. On note un contraste entre les genres et entre les classes d’âge : 45% d’hommes contre 37% de femmes, toujours selon l’APEC, et 50% des moins de 30 ans contre 33% des 55 et plus. On peut y voir soit une explication très pragmatique, liée à la difficulté qu’il y a à pratiquer un sport de manière régulière lorsqu’on est âgé, mais aussi un changement de mentalité entre les générations, où les nouveaux cadres sont encouragés à avoir des activités en-dehors de leur travail pour chercher à s’épanouir autrement. L’intensité de la pratique sportive est également très variable : 45% des cadres qui déclarent pratiquer un sport de manière régulière n’y consacreraient en fait pas plus de deux heures par semaine, et perçoivent l’activité comme un loisir : les deux tiers n’ont jamais participé à la moindre compétition.
Il faut également noter que les cadres privilégient les activités sportives facilement accessibles, et plutôt individuelles. Michael Stoquer, gérant de la société SEF, a ainsi privilégié la boxe, un sport plutôt individuel et qui, s’il est préférable de le pratiquer en salle, peut se faire chez soi, avec un sac de frappe et des gants. C’est après tout l’avantage des cadres : s’il regarde le coût financier, la demande d’équipement et la localisation, ils ont toutefois les moyens d’acheter le matériel de base lorsqu’un sport leur plaît vraiment. Michael Stoquer explique ainsi avoir toujours pratiqué ce sport, et s’efforcer d’aménager une place dans son emploi du temps pourtant chargé pour pouvoir continuer. Il estime que ce n’est pas une perte de temps, puisqu’il en ressort plus en forme et plus performant. C’est aussi un excellent moyen d’évacuer son stress, car il travaille dans la réparation de bâtiment sinistré, ce qui est par essence un environnement à risque où il peut être soumis à de fortes pressions.
Pour les autres cadres, près de la moitié cite comme sport la course à pied, la natation, la randonnée ou le vélo, des activités donc plutôt solitaires mais qui, à l’exception de la natation, peuvent se pratiquer en équipe à l’occasion de certains événements. En revanche, seuls 10% des cadres déclarent pratiquer un sport collectif comme activité principale, ce qui est aussi lié à l’âge : 23% des moins de 30 ans le font contre seulement 4% des 50 ans et plus, qui privilégient la marche et la randonnée. Il faut dire que cette dernière, si elle praticable un peu partout, trouve généralement plus d’intérêt chez une population qui a les moyens de voyager loin pour profiter des plus beaux paysages. À l’instar de Michael Stoquer, 7% des hommes qui font du sport pratiquent un sport de combat régulièrement, comme les arts martiaux, la boxe ou l’escrime, et 2% des femmes font de même. Ces dernières sont plus présentes dans la gym et le fitness, qu’elles sont 26% à pratiquer, contre 4% des hommes. La danse et le yoga ont également pris une plus grande importance dans les sports pratiqués, mais restent très féminins, avec 13% chez les femmes et 1% chez les hommes. Ceux-ci sont les plus présents pour la course à pieds, avec 28% de présence, contre 16% des femmes, ce qui peut s’expliquer par d’autres facteurs : les femmes courraient plus de risques en allant courir, l’environnement urbain n’étant pas toujours un environnement où elles se sentent en sécurité. Et au final, les hommes sont les plus présents dans l’intérêt sportif : 40% des hommes et 28% des femmes se disent intéressés par le sport, et 27% des hommes pour seulement 8% des femmes se revendiquent comme étant de vrais passionnés de sport.